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  • Photo du rédacteurMary Waltz

LIP... DIP... PAINT...

Ces deux tableaux sont inspirés de l’histoire des Lumineuses, alias les Radium Girls. Les peindre en effet miroir pour représenter deux périodes distinctes, arriver à évoquer le côté insoutenable et malaisant de cette affaire, rechercher la documentation qui remue bien le bide quand même, etc... étapes qui ont rythmée cette longue et captivante aventure. Ils font chacun 60x80cm et sont peins en acrylique sur bois.

"Lip...Dip...Paint..." - Deux tableaux de 60x80cm - Peinture acrylique sur bois

Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire de ces femmes - modèles de courage, de détermination et d’humanisme – en voici un résumé :

 

« Recherchons plusieurs filles 18 ou plus pour travaux de peinture de précision.

Travail propre et sain en atelier, environnement agréable. »

1917 - United State Radium Corporation - New Jersey, U.S.


Ce travail consistait à peindre au radium des cadrans de montres pour obtenir un effet phosphorescent. Pour être le plus précises possible, les employées pratiquaient le « Lip, dip, paint » : "lip" pour lisser et humidifier le pinceau du bout des lèvres, "dip", prendre de la peinture et "paint", peindre les chiffres. Trois gestes qui sont répétés des centaines de fois par jour durant des années.


Ces jeunes femmes, mères ou adolescentes, connaissent alors une période d’une éblouissante félicité. Je pèse ici mes mots car – outre le fait que leur salaire est de trois fois plus élevé que la moyenne, ce qui leur permet de gagner en indépendance - leur luminescence ne laisse personne indifférent.

En effet, quand les « Filles fantômes », ou encore « Les lumineuses », fabriquaient leur peinture, le radium - qui est un composant très volatile - se déposait sur leurs tenues. Ainsi, elles brillaient dans le noir. Très vite, elles en viennent à se couvrir les ongles, les dents pour un sourire étincelant, à porter leurs robes de bal au travail afin de rayonner le soir venu sur la piste de danse, libres et joyeuses.

Insouciantes ?

Elles le sont quand leur directeur d’atelier, Mr Savoy, leur assure que ce n’est pas dangereux, qu'il ne faut pas avoir peur et que ça leur donnera bonne mine.

Elles le sont quand elles voient passer des publicités de beurre, de lait, de sodas, de dentifrices boostés, de médicaments enrichis au radium ou de crèmes pour – je cite : « une beauté radioactive » !


Et pourtant, dès 1900, des chercheurs mettent en évidence les effets nocifs du radium. Alertes ignorées et falsifiées par les fabricants de ces mêmes produits puisque cette précieuse matière était alors la plus chère au monde, plus cher que le diamant à masse égale. Tour de bâton !


C’est à partir de 1922 que les premières séquelles de l’ingestion du radium par le «Lip,Dip,Paint» apparaissent. Petit à petit, les Lumineuses se voient dépérir dans d’atroces souffrances. Pour faire court : anémie, fractures osseuses, nécrose de la mâchoire, tumeurs cancéreuses... Elles perdent leurs dents, leur mâchoire se brise avec de violentes hémorragies dans la bouche, leurs jambes et leur colonne vertébrale s’émiettent, des tumeurs de la taille de ballon de foot et des ulcères apparaissent.


Le chemin est bien épineux pour prouver que leur état de santé est dû à l’ingestion du radium. Il a fallu attendre le décès du premier employé masculin pour que les spécialistes s’en inquiètent...ben voyons ! C’est seulement en 1925 que ce lien est définitivement établi par le Dr Harrison Martland. Déterminées à faire jaillir la vérité pour prévenir du danger, elles posent une première plainte.


Et le chemin épineux continue et s’amplifie avec la procédure judiciaire. Il leur a fallu du temps, du courage et de la ténacité pour faire face à l’USRC et trouver un avocat qui en ai tout autant pour les représenter.

La mauvaise foi est de mise pour ce gros lobby industriel : l’USRC commande d’autres analyses pour des conclusions inverses, paye des médecins ou des campagnes de propagande pour discréditer leurs employées et jongle avec le temps et les délais de prescription. Tic tac tic tac… Même si le procès prend une résonance internationale, il s’enlise et - hormis des indemnisations pour rembourser leurs frais judiciaires et médicaux - justice ne sera pas rendue aux Radium Girls, elles sont mortes avant.


De nouvelles réglementations sur le radium verront le jour en 1932, suite au décès du riche milliardaire Eben McBurney Byers causé parle Radithor (radium+eau distillée). Quant au combat judiciaire, il sera relayé et gagné en 1938 par Catherine Wolfe (épouse Donohue), qui alla jusqu’à témoigner sur son lit de mort.

Les dernières usines de radium fermeront en 1970…


La vie et la mort de Grace Fryer ; Edna Hussman ; Katherine Schaub ; Quinta McDonald ; Albina Larice et Catherine Wolfe - pour ne citer qu’elles - ont joué un rôle déterminant dans l'élaboration des lois pour la protection des employés mais aussi dans le domaine de la science.

Dire que les Lumineuses sont un modèle de courage, de détermination, d’humanisme et ne pas les laisser sombrer dans l’oubli, c’est aussi leur rendre justice.


Pour les plus curieux, il y a le podcast en deux épisodes, ici :

L'histoire oubliée des "radium girls" – série de podcasts à écouter – France Culture

et les livres écrits par Anne-Sophie Nedelec :

« Radium girls – Tome 1. L'affaire des cinq condamnées à mort »

« Radium girls – Tome 2. Le Scandale des Filles-Fantômes »

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